PARIS, LONDRES, OLYMPIE

« Fenêtre sur Cour » paru dans Aujourd’hui Poème numéro de la rentrée en Septembre 2005

La succession d’évènements ayant touché Londres, au début du mois de Juillet 2005, aura eu la pureté d’une tragédie grecque. Le mot « pureté » pourra certes paraître osé. Voire totalement déplacé. Mais l’émotion soulevée par les attentats et amplifiée par les médias, a eu le temps de s’exprimer. De s’épuiser. L’événement a pris place dans la distance. Or pour éminemment politique qu’elle soit, sa signification est d’abord dramatique.

Rappelons les événements. Le Mercredi 6 Juillet au soir, Londres apprend qu’elle a été choisie par le Comité International Olympique (CIO) comme ville des Jeux 2012. Explosion de joie. D’autant plus délicieuse que la victoire s’est jouée contre Paris, l’ennemie intime, à tort tort ou à raison donnée favorite. Les Londoniens, qu’on le sache bien, n’en menaient pas large. La force de l’explosion londonienne fut proportionnelle à la profondeur de leur pessimisme et leur humilité.

Le lendemain, Jeudi 7 au matin, d’autres explosions secouent la ville. Des bombes. Quatre en quatre points différents des lignes de métro et de bus. Causant cinquante-six morts, péniblement identifiés. La consternation suit la joie. Les symboles s’ajoutent aux symboles : la Reine n’allait-elle pas commémorer le 8 Juillet la victoire contre le « terrorisme » nazi ? Immédiatement la classe politique, Premier Ministre en tête, invoque l’esprit du Blitz. Les raids de l’aviation allemande avaient en leur temps visé l’East End de Londres, là où précisément se construira le stade olympique de 2012.

Une question se pose, que les médias tout à leur adhésion au quotidien n’ont pas jugé utile de poser. Qui aura organisé la succession des événements ? Les terroristes islamistes d’Al Qaida ? La session du G8 en Écosse à la même date aurait, dit-on, été leur cible. Vraiment ? Pourquoi, sitôt l’attentat, avoir hâtivement privilégié la piste du G 8 plutôt que le choix de la capitale anglaise par le Comité olympique ? Pour ne pas faire revenir le CIO sur sa décision et ne pas obscurcir l’avenir olympique de Londres ? La politique a assurément ses pudeurs. Ses mensonges.

Voyez comme chacun, en de telles circonstances, prend posture d’un organisateur des événements. D’un « auteur ». Les terroristes les premiers. En réalité manipulés par plus « auteurs » qu’eux, auteurs invisibles omniscients. En face les dirigeants politiques Blair, Bush and co, auteurs officiels et publics, parlant soit-disant au nom de tous, propageant la parole « autorisée ». Le G 8 était la cible, affirment-ils, il n’y avait pas de connexion avec les Jeux Olympiques ! Tant il faut protéger, n’est-ce pas, l’idéale pureté du sport ! Qui, en outre, irait concèder à des terroristes —islamistes de surcroît !— un savoir de la tragédie grecque ?

Dans la tragédie grecque l’hubris ou excès d’orgueil de soi, précède toujours la chute, ou peripeteia. Dans le cas de la tragédie londonienne, un regard instruit par la Grèce —regard olympique, littéralement — pourrait être tenté d’attribuer l’organisation générale des événements aux Dieux. Chacun dans son rôle, les mortels n’apparaissant ici que comme de pauvres exécutants. Comment interpréter l’avertissement des Dieux de l’Olympe ? Pour nous, le message est clair : la surenchère compétitive orgueilleuse entre cités voisines du capitalisme occidental a atteint son degré d’absurdité ultime.

Paris avait, dit-on, une candidature olympique plus mûre. Londres pariait sur le dynamisme de sa jeunesse. On a vu la douloureuse et ironique réponse faite à Londres par sa jeunesse dès le matin du 7 Juillet. On regrette d’autant plus que Paris n’ait pas, témoignant d’un degré supérieur dans la voie de la maturité, proposé dès le début à Londres d’organiser conjointement avec elle les Jeux de 2012. Quel symbole cela eût été pour l’Europe ! Quel progrès pour le monde !

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